Les parades de Mina Tindle

Mina Tindle publie Parades, un deuxième album libre et ambitieux, marqué par des arrangements originaux et une écriture très singulière. Une réussite sans beaucoup d’équivalent dans le paysage pop français, dont l’auteure-compositrice retrace la genèse pour Riffx.

À bien des égards, Parades est très différent de votre premier album. Aviez-vous une idée très précise de là où vous alliez ou cela s’est dessiné au fur et à mesure ?
J’ai rarement une idée précise en amont, parce que j’aime bien qu’il y ait une rencontre avec un autre artiste. Pour le premier album, c’était JP Nataf et pour celui-ci, c’est Olivier Marguerit, un super musicien qui m’a accompagné sur scène pendant trois ans. On avait cette idée de s’enfermer dans une pièce et de voir ce qu’il en sortirait. J’ai écrit la plupart des titres en un été et on les a enregistrés en octobre, donc je n’ai eu le temps ni d’analyser ni d’avoir une approche cérébrale de ce disque. Et c’est précisément ce que je voulais. Le premier avait pris beaucoup de temps, parce que c’était la façon de faire de JP Nataf et qu’il n’était pas très disponible, à cause de sa tournée. Du coup, j’avais eu énormément de temps pour refaire dans ma tête presque cinq ou six fois le premier disque. À tel point que ça devenait très difficile de fixer quelque chose. Là, au contraire, j’avais envie de quelque chose de très spontané et sensuel. Et si c’était sensuel, ça ne pouvait pas être cérébral… La seule envie, c’était ça : que ce soit une sortie de cri, quelque chose de plus sensoriel.

Qu’est-ce qui a changé dans votre travail ?
Je pense que je me suis plus amusé, dans le sens où j’avais un tout petit peu moins de gêne. Il y avait un peu de pression, sur le premier, ne serait-ce que de travailler avec JP Nataf. Je ne suis pas carriériste mais je suis ambitieuse : à partir du moment où je fais de la musique, je veux que ce soit de la belle musique, qui corresponde à mes critères. Autant je me suis posé des questions de légitimité en faisant Taranta (2012), autant là, je pense qu’il y avait quelque chose de plus libéré, parce que j’ai bien travaillé, j’ai été une bonne élève pendant quatre ans, avec notamment beaucoup de concerts. Et j’ai vraiment senti le résultat de ce labeur, ce travail artisanal. Il y a toujours de la pudeur sur le nouvel album mais aussi quelque chose de plus ludique, plus espiègle.

Comment s’est articulé le travail avec Olivier Marguerit ?
Pendant l’été, à chaque fois que je faisais une chanson, je lui envoyais la démo, en général très tard le soir : j’étais très excitée, j’avais du mal à dormir et, le lendemain j’attendais son mail. J’en ai écrit une quinzaine comme ça et il y en avait quelques autres qu’on avait déjà travaillées dans l’année, avec Guillaume Villadier. On avait fait une séance de travail en Espagne, à Ibiza. Une fois qu’on a eu toutes les chansons avec Olivier, on a travaillé quelques idées d’arrangements, pour savoir un peu vers où on emmènerait chaque morceau. Et après, je dois dire que j’arrive à peine à comprendre comment on en est arrivé là. Je pense que c’est vraiment Olivier qui a été le capitaine du bateau. Moi, j’ai fait les chansons, donné les couleurs et quelques idées de programmation, puis c’est lui qui a tout agencé. Après, on a tout enregistré en cinq jours de studio, en faisant venir le batteur des Dirty Projectors des États-Unis. On était comme des fous.

Dans quelles familles musicales vous reconnaissez-vous, en France ?
Je ne sais pas si ce sont des familles musicales, mais il y a des choses que j’aime beaucoup, comme la scène de Bordeaux, avec François and The Atlas Mountains ou Petit Fantôme. Et puis j’ai tous mes amis fidèles du label Sauvage Records : Orouni, Please Don’t Blame Mexico, Maison Neuve, De La Jolie Musique. Ce sont mes amis, presque ma famille. Et après, j’aime beaucoup Christine and The Queens, que j’ai vue il y a trois ou quatre ans à La Loge, devant une trentaine de personnes. J’avais été bluffée. Donc je sais d’où elle vient et je suis ravie de voir qu’elle cartonne aujourd’hui. Elle a quelque chose d’une grande sincérité et c’est cool d’avoir cette sorte de diamant brut. Et puis elle a aussi un discours, sur le genre, sur l’identité. Elle a un côté très contemporain, avec ce personnage qui n’est pas travaillé. Je la mets aux côtés de Michael Jackson dans la catégorie « artistes de divertissement ». Ces gens-là font rêver. Et puis d’un autre côté, il y a les songwriters, qui ont quelque chose de moins singulier mais plus universel, qui racontent des histoires, comme des ménestrels. C’est toujours regarder le monde dans lequel on vit, s’inscrire dans quelque chose qui rassemble. Je me situe plus là.

Propos recueillis par Vincent Théval

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Mina Tindle – Taranta

Crédit Photo : © Julien Mignot