Mai
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Après avoir œuvré quelques années sous le nom (Please) Don’t Blame Mexico, le Parisien Maxime Chamoux a changé sa façon d’écrire et d’arranger ses chansons. Un patient travail pour se frotter à la langue française et une nouvelle façon de jouer, qui porte ses fruits sur le beau premier album de Pharaon de Winter. Un exemple réussi de pop à la française, dont Maxime Chamoux détaille la genèse pour Riffx.
Avant Pharaon de Winter, vous chantiez sous le nom (Please) Don’t Blame Mexico… Pourquoi ce changement ?
On a enregistré l’album sous le nom de (Please) Don’t Blame Mexico. Mais il se trouve que c’est un album à 90 % en français qui s’éloigne un peu de ce qu’on avait fait par le passé, à savoir un indie rock très influencé par l’Amérique du Nord. Je me suis retrouvé avec un sentiment de décalage entre la musique qu’on avait faite et ce nom qui ne lui convenait plus. Il a fallu en trouver un autre. Et cette chanson, Pharaon de Winter, que j’ai mis trois ans à écrire, me semblait être le dénominateur commun à tout le processus de création. Mais les musiciens sont les mêmes : Thomas Pirot à la batterie et Raphaël Ankierman à la basse. On a été rejoint par F-X Guéant-Mata à la guitare. Et le processus créatif est lui aussi le même : je compose seul au piano puis je propose mes démos au groupe, qui s’en empare et imprime sa dynamique.
D’où vient ce nom, Pharaon de Winter ?
Il a trois existences à ce jour. La première, c’était un peintre de l’école Académiste française, à la jonction du xixe et du xxe siècle, qui a vécu à Bailleul dans le Nord de la France. C’était un peintre un peu médiocre, qui a fini aveugle. Dans L’Humanité, le réalisateur Bruno Dumont lui a rendu hommage d’une façon un peu détournée. Le film se passe à Bailleul et il a donné au personnage principal, un commissaire de police un peu arriéré et ultra sensible, le nom de Pharaon de Winter en le faisant passer pour le petit-fils du peintre. C’est un film qui me touche beaucoup. Ça m’amusait de donner une troisième existence à ce personnage : un peintre, un personnage de cinéma et maintenant un groupe de musique.
Voilà qui place le groupe sous le double patronage de la peinture et du cinéma…
Je me méfie beaucoup du qualificatif « cinématographique » en musique et des gens qui font de la musique en la pensant cinématographique. Le côté pictural m’intéresse davantage. Je ne suis pas un grand connaisseur mais je sais reconnaître ce qui me plait. En fait, j’ai une assez faible technique et je suis obligé de recourir à des images pour expliquer à mes musiciens que je veux, par exemple, quelque chose de nocturne, bleuté ou anguleux. Les références picturales passent surtout dans le work in progress. Mais il y a aussi des chansons qui évoquent ça : l’une s’appelle Pointillisme et une autre Ultramarine. Cette dernière parle d’un peintre à la recherche d’une peinture qui répondrait à toutes ses questions en même temps. Mais ça peut s’appliquer à plein de choses dans la vie.
Écrire et chanter en français, est-ce plus engageant ?
Oui, et c’était voulu. Quand j’écrivais en anglais, j’avais toujours l’impression de ne pas faire le travail jusqu’au bout. N’étant pas bilingue, j’avais l’impression que certaines phrases étaient mal prononcées ou structurées mais je me disais : « c’est pas grave, ça sonne bien ». Mais il est arrivé un moment de non-retour où je n’en pouvais plus de monter sur scène, de dire « Bonjour, ça va ? » avant de commencer une chanson en anglais. Il y avait un décalage qui m’empêchait de m’engager complètement dans ce que je voulais faire et dire. Je n’avais pas l’impression d’être complètement là. Il ne s’agit pas d’être soi-même, il s’agit juste d’être là, ce qui m’est d’avantage permis avec le français. Mais ça a été un travail difficile, il a fallu quasiment tout réapprendre : chanter en français, c’est très différent de chanter en anglais.
Quelles ont été vos influences en la matière ?
Celui qui m’a le plus influencé, c’est William Sheller pour sa façon de rendre le français très fluide. Il est arrivé à la pop avec des références très anglo-saxonnes, une immense passion pour les Beatles et le rock progressif, et a réussi à faire sonner le français pop et pas « chanson française ». Sinon, quelqu’un comme Véronique Sanson a été l’une des premières à faire sonner le français de façon hyper moderne, à l’époque. Alain Souchon, aussi – qui est un peu le Paul Simon français –, qui rend tout très fluide.
L’album a été réalisé par le musicien canadien Sandro Perri. Pourquoi ce choix ?
Il a sorti un album en 2011, « Impossible Spaces », qui m’a complètement retourné. Il m’a semblé qu’il avait une façon complètement neuve de faire de la musique. Il osait des combinaisons de couleurs, de chaud – froid, de souple et de tendu, que je trouvais inédites. Il m’a semblé que Sandro Perri pourrait incarner le pendant musical de la mutation que j’engageais en passant à la langue française. Travailler avec lui a été déroutant et c’est ce que je voulais. Ce qu’il nous a inculqué, c’est une recherche de souplesse et de liant. Par exemple, il pouvait nous demander de ne pas jouer pile sur la mesure mais un peu en arrière pour donner l’impression d’un temps élastique. Ou demander au batteur de jouer seulement la caisse claire et la grosse caisse sur une prise, puis tous les autres éléments séparément la prise suivante, de façon à avoir le maximum d’air dans le mix et faire exactement ce qu’il voulait au niveau sonore.
Vous avez été surpris par le résultat ?
Je n’ai pas été surpris par le résultat mais par le fait qu’on y arrive de cette façon-là. Par exemple, il m’a été demandé plusieurs fois de jouer main gauche et main droite séparées. C’était très déroutant ! En entendant la chose en train de se faire, je me demandais comment on allait arriver au résultat final. À ce titre, Sandro Pierri m’a vraiment appris à déléguer et à avoir confiance dans le processus : certes, à l’écoute, le point A n’est pas convaincant, mais si on ajoute les points B, C, D… jusqu’à Z, on a le résultat escompté, d’une façon détournée. Ça a un peu été une révélation : ne pas toujours vouloir mettre tout d’un coup. L’intention d’un morceau n’est pas obligatoirement contenue toute entière dans la prise de piano, elle peut être diluée. C’est un art de l’instrumentation, de l’arrangement et de l’orchestration qui m’était encore un peu inconnu.
Vincent Théval
Découvrir :
Pharaon de Winter – Ultramarine
Crédit Photo : © Lebruman
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