F.M. La bande son

F.M., de son vrai nom François Maurin, propose un deuxième album d’une classe et d’une minutie folle. Si le premier A Dream Or Two, sorti en 2008, était construit autour des cordes, The Organ King est, lui, basé sur les orgues de toutes sortes. Mais pas uniquement. Une foultitude de vieux instruments dépoussiérés voyagent dans une pop inspirée des années 1950 aux années 1980, proposant des mélodies d’une évidence désarmante. Un très bel objet soigné qui va bientôt s’illustrer de concerts où le jeune artiste sera accompagné d’un orchestre entièrement automatisé.

Sur le premier album vous disiez être parti avec une vraie idée en tête, un pont à faire entre la pop et la musique classique. Est-ce que cette fois cela a été pareil, vous aviez une directive fixée dès le départ ?

Oui, je crois que j’ai d’ailleurs toujours un objectif précis en tête pour pouvoir faire les choses. Cette fois, cela a été de faire un voyage chronologique, de construire un cabinet d’antiquité méthodique. L’album part des années 1950 aux États-Unis pour revenir aux années 1980 au même endroit. On passe un peu par l’Europe, on entre dans une église française, on ressort par un jardin anglais et on traverse les décennies.

Comme toujours les titres sont courts, précis, font quasiment tous moins de trois minutes… une concision qui vous est chère ?

Une des choses sur laquelle je travaille depuis le début et qui fait très certainement partie de mes aspirations, c’est de trouver un format de chanson non répétitif. Même quand il y a de la répétition je veille toujours à ce que ça ne soit pas vraiment la même chose. La rengaine me gêne, j’essaie de trouver un équilibre un peu parfait, je développe un thème et une fois qu’on l’a compris, j’arrête là. En écoutant les disques j’ai d’ailleurs toujours usé mes oreilles à écouter quatre secondes un millier de fois, ce sont les détails qui m’ont toujours explosé le cerveau. Donc j’écoute de la pop en revenant souvent sur le même passage.

Vous faites revivre des vieux instruments, vous avez un côté apothicaire, cabinet des curiosités…?

C’est vrai il y a un côté un peu musée. Je voulais un voyage dans l’inconscient collectif avec un axe sur les époques, les pays, mais aussi le sacré et le profane et cela vaut pour les instruments. Il y a des gens qui sont étonnés parce que pour eux FM c’était des cordes. Et j’aime aussi prendre le contre-pied. Je cherche toujours le même travail de science-fiction : avoir un télescopage d’éléments différents et le but du jeu c’est de ne pas voir la frontière. Susciter les réflexions : « c’est quoi ce titre ? Le son est des années 1960, c’est de la pop mais dans l’harmonie on dirait plus du Debussy ou du Fauré parfois. » On s’y perd. Et c’est quand on commence à se perdre que ça m’intéresse. J’ai une culture musicale dense parce que j’en consomme beaucoup et je vois des passerelles dans ma tête. Je peux me dire très facilement « Telle chose de Depeche Mode me fait penser à telle autre de Monteverdi à l’époque. » Et quand j’ai ce genre de pont-là, je pense détenir une idée. En tous les cas une idée musicale pour moi c’est ça.

Le son est très important aussi, on sent que le traitement n’a pas été le même au fil des titres, que les moments et les endroits ont été divers pour enregistrer chaque instrument. C’est le cas ?

Oui. J’ai fait un gros travail sur la matière sonore, le son a eu une importance de premier plan. Parfois j’avais plus de 130 pistes pour un titre. Parce qu’il y a énormément de détails. Il n’y a que dans les années 1960 où l’on pouvait se permettre des productions comme celle-là, aujourd’hui c’est très difficile. De plus j’ai tout produit seul. Physiquement, je ne pourrais plus faire pareil, mais je suis très content et très fier de l’avoir fait. Ce qui est certain c’est que je ne réitérerai pas. D’abord parce que pour moi profiter de la vie c’est faire le plus de choses différentes possibles. Et ensuite parce que c’est trop douloureux d’être seul à ce point.

En concert vous allez jouer au milieu d’un orchestre entièrement robotisé. Une idée folle ?

Mon tourneur m’avait demandé de réfléchir à une formule légère pour la tournée. J’avais travaillé pour l’album avec, entre autres, des orgues de barbarie et un facteur d’orgues qui perforait des cartons. Je m’étais donc dit qu’un orgue de barbarie ce serait super. Je chante en anglais et c’est un instrument très français, il y avait un truc qui m’intéressait déjà dans cette idée. Et faire de la musique un peu savante avec un instrument populaire, cela m’intéressait aussi. J’ai d’abord songé à une formule orgue de barbarie et piano. Mais évidemment on dit « jamais deux sans trois », alors j’ai rajouté un instrument, puis un autre… et ainsi de suite jusqu’au moment où j’ai commencé la fusion de ce que j’ai toujours connu pour fabriquer la musique : l’ordinateur et les vieux instruments. Alors j’ai imaginé un orchestre piloté. J’ai tenu la promesse faite à mon tourneur : il n’y a que deux personnes : un contrebassiste et moi. Mais il y a en plus énormément d’instruments qui jouent tout seuls. Aujourd’hui j’ai une batterie, un orgue de barbarie, un double xylophone, des percussions à gogo… en plus de ça je peux sonoriser des verres et faire des arrangements pour « verres à vin et xylophone » par exemple. Cette idée-là, en terme de possibilités, y compris poétiques, ça m’a rendu malade ! Ça correspond exactement à ce que j’ai toujours voulu faire : les inventions, les robots comme ceux que je dessinais quand j’étais petit, la musique. Et quand ça marche c’est juste incroyable. Parce qu’en plus tous les instruments se mettent en lumière automatiquement, c’est génial ! Je répète avec mes instruments qui font parfois des trucs que je n’avais pas prévu. C’est à la fois mon grenier et mon coffre à jouets.

Propos recueillis par Marjorie Risacher

Découvrir :
F.M. – I Don’t Care (Stage Version)

Lescop : Lescop

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