Le retour du vinyle

Alors qu’on le croyait presque disparu, le vinyle est de nouveau à la mode. Une résurrection unique dans l’histoire de la musique.

Un étrange phénomène secoue le monde de la musique : le retour en grâce du disque vinyle qui faisait la joie de nos grands-parents. Dans son rapport publié en 2017, le syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) affirme que les ventes de vinyles ont triplé entre 2012 et 2017. « Aujourd’hui, ils représentent parfois près de 20 % du chiffre d’affaires des maisons de disques et en moyenne autour de 80 % du chiffre d’affaires des disquaires indépendants », estime David Godevais, responsable du Disquaire Day, un événement qui remet chaque année (au mois d’avril) cette profession à l’honneur. Sur les brocantes et les sites internet spécialisés comme Discogs, les disques de collection s’échangent à prix d’or, tandis que de nombreuses nouveautés pop, rap ou électro bénéficient d’éditions sur ce support. Comment en est-on arrivé là ? Flash back.

1950

L’explosion du rock and roll va de pair avec l’apparition du disque microsillon, mieux connu sous le nom de « vinyle ». Disponible en deux formats : 45-tours (durée d’un single) et 33-tours (durée d’un album), il devient le symbole de cette nouvelle culture « jeune ». C’est aussi un objet qu’on s’échange entre amis, avec son odeur, son toucher, son look particuliers. Sur sa pochette, de grande taille (31,5 cm de côté), les plus grands artistes laissent libre cours à leur créativité. La star du pop art Andy Warhol peint une banane pour le Velvet Underground, Peter Blake réalise un décor grandeur nature pour le mythique « Sergent Pepper’s » des Beatles, le photographe Brian Duffy immortalise David Bowie et son maquillage électrique sur « Aladdin Sane », et le collectif Hipgnosis devient indissociable de l’oeuvre de Pink Floyd (la pyramide de « Dark Side of the Moon », c’est eux). Le vinyle est alors plus qu’un support d’enregistrement : il reflète les changements de son époque.

1982

Le lancement du disque compact (CD) change la donne. Non seulement ce petit rond de plastique est moins encombrant et plus résistant que le vinyle, mais il offre, diton, une meilleure qualité d’écoute. Cette même année sort « Thriller » de Michael Jackson, l’album le plus vendu de tous les temps : 66 millions d’exemplaires écoulés dans le monde. Le CD déferle sur le marché, la survie du vinyle ne tient qu’à un fil… Quinze ans plus tard, en 1997, l’invention du MP3 provoque une nouvelle révolution : la musique n’a plus besoin de support pour être écoutée et diffusée. Les sites de partage se multiplient sur Internet, suivis par les plateformes de streaming, qui proposent à bas prix (et parfois même gratuitement) un accès illimité aux sons du monde entier. Certains prédisent la mort du disque physique, ringardisé par Applus Music, Spotify, Deezer, YouTube ou Soundcloud.

2014

Le chiffre d’affaire du streaming dépasse celui des ventes de CD. C’est le moment que choisit le vinyle pour réapparaître dans le paysage. Avec une promesse : permettre aux mélomanes de (re)nouer un lien plus « physique » et personnel à la musique. Il ne s’agit plus seulement d’écouter, mais aussi de sentir, de toucher, de s’approprier la musique à travers un objet esthétique. La tendance est au « slow listening », qui consiste à écouter des disques dans leur intégralité, sans zapper d’un morceau à l’autre. Jack White écoule 150 000 exemplaires en vinyle de son album « Lazaretto », Daft Punk bat tous les records avec « Random Access Memories », et les rééditions de classiques (de Led Zeppelin à Nirvana) sont des succès. Toutes les générations se retrouvent autour de la platine. Le craquement des sillons, le souffle de fond et la chaleur du son procurent des émotions uniques… Le retour du vinyle est plus qu’un effet de mode : il vient combler un manque dans un monde devenu trop virtuel.

Michaël Patin